vendredi 23 janvier 2015

CHARLIE : UN DRAME POUR L'AFRIQUE



Charlie, ressuscité de sa belle mort a une fois de plus encore croqué le prophète, et c’est l’Afrique, en particulier les chrétiens d’Afrique, qui a trinqué : des dizaines d’églises ont été saccagées par les musulmans, pas seulement les islamistes, furieux que leur prophète soit une fois de plus déshonoré par ces caricatures. Qu’ont donc les français de plus que les autres européens ?

Nul ne peut contester la liberté d’expression, ni même le fait que le blasphème ne soit pas interdit dans ce pays. Mais que faisons-nous du vivre ensemble planétaire ? Que fait la France des interdictions que l’on a parfois opposées à des organisations de réaliser tel ou tel de leur projet, non pas parce que celui-ci était mauvais en soi ou contraire à la loi, mais pour raisons de « risque de trouble de l’ordre publique ? »

Plutôt que de considérer avec condescendance les britanniques, les américains les suédois et bien d’autres européens qui ont refusé de publier ou de montrer dans leurs média le caricatures blasphématoires de Charlie Hebdo, ne devrait-on pas considérer le vivre ensemble planétaire et le respect de la différence ? S’il faut répondre à la barbarie par une provocation irrespectueuse qui constitue elle aussi une forme e violence, quelle différence y a-t-il entre les uns et les autres ? Avec le développement des moyens de communication, le monde devient de plus en plus comme l’a dit quelqu’un, un village planétaire. Par conséquent on ne peut plus agir en ignorant le reste de la communauté pour la simple raison que « chez moi ça se passe comme ça et la loi l’autorise ! » Quelque chose se passe au fin fond de la Sibérie, dans les minutes qui suivent cela se sait dans le village de Sagbayeme au fin fond de l’Afrique. Pour quoi ne pouvons-nous pas comprendre que tout ne peut plus se régler à coup de droit particulier d’un individu, d’une population, d’une Nation ou d’un Etat donné ? Le bien vivre ensemble nécessite de considérer ce qui peut heurter ou blesser l’autre, y compris jusqu’aux extrémités de la planète. Je crois simplement que c’est ce que les autres occidentaux ont compris en refusant de publier les caricatures de Charlie Hebdo, et non pas la peur des islamistes. Car ce ne sont pas seulement les islamistes qui se sentent frustrés, voir insultés par ces caricatures, mais l’ensemble des croyants musulmans et même au-delà.

Jusqu’où iront les français en soutenant de tels agissements sous couvert de leur sacrosainte « liberté d’expression ? » Le drame est que ce sont, une fois de plus, les africains qui trinquent. L’ironie du sort est que quand des agnostiques extrémistes blasphèment (et ce sont aussi des extrémistes dans leur domaine), ce sont des chrétiens d’Afrique, et pourtant ils partagent la même indignation que les musulmans, qui sont assassinés à cause de ce blasphème. Des dizaines d’églises sont incendiées ou détruites, des centaines de chrétiens se retrouvent sans abris, leurs maisons saccagées et détruites, des vies perdues. Une mort, fut elle innocente, vaut-elle la peine d’une autre mort innocente ?

C’est le triomphe des idées de mai 68 : « il est interdit d’interdire » ! Malgré les dégâts occasionnés à la société française par ce fait. N’est-ce pas cela qui est la cause de ce qui se passe aujourd’hui ? De plus en plus, l’autorité est bafouée, une certaine jeunesse ne connaît plus de limites. L’on parle maintenant de ramener des cours de morale à l’école, mais laquelle ? Sinon pourquoi l’en a-t-on d’abord sortie ? L’on parle de remettre la discipline au goût du jour, d’enseigner aux enfants le respect de l’autre, mais est-ce un bon exemple que celui de Charlie Hebdo ? Certains pensent que le service militaire était une « bonne école » pour la discipline et le vivre ensemble : mais pourquoi l’a-t-on supprimé ?

Le monde a besoin de réconciliation, les nations ont besoin de réconciliation, les Hommes ont besoin de réconciliation, pour un mieux vivre ensemble. Il me semble que le premier pas vers cette réconciliation serait de respecter l’autre dans ce qu’il est, même si l’on ne partage pas la même culture, la même philosophie ou la même religion. Et, je suis convaincu que éviter de caricaturer de nouveau le prophète des musulmans après le massacre de Charlie Hebdo connaissant l’impact de cette caricature sur certaines personnes dans le village planétaire, aurait été une force pour ce journal et non pas une faiblesse ! Cet hebdomadaire aurait honoré l’exercice de la « liberté d’expression » en se montrant plus créatif ou inventif, en exprimant peut-être la même chose sans caricaturer ce prophète. Il a plutôt, à mon humble avis, fait preuve de manque d’imagination et de respect de l’autre. En cela, il n’est que fidèle à lui-même, raison pour laquelle il était en perte de vitesse, voir moribond. Ce n’est pas toujours celui qui se considère comme vainqueur qui est fort. Le forcing est souvent l’arme des faibles. Je persiste et je signe : je ne suis pas Charlie !