vendredi 21 février 2020

MES 70 ANS OBSEQUES


Célébration de mon 70ème anniversaire

Introduction
Voilà un énoncé qui a fait polémique au point que, pour reprendre les paroles d’une personne venue par curiosité, voir cet « enterrement vivant », « la moitié de mes invités » ne seraient pas venus à cause de ce qui aurait été compris comme pensée morbide. Puis elle a ajouté qu’elle a bien fait de venir parce qu’elle n’aurait rien compris à ce que j’entendais faire si elle n’avait pas été présente et qu’elle ne le regrette pas !
Je savais que de nombreux chrétiens manquaient d’humour, mais pas à ce point. Beaucoup d’autres choses sont remonté jusqu’à moi, qui m’ont donné l’impression que certains chrétiens sont toujours dans l’esprit de l’inquisition, et même pire, car pendant l’inquisition il y avait au moins des semblant de « procès », même si ceux-ci étaient « orientés » avec une fausse écoute… Mais dans le cas présent, ils ont jugés et condamné, sans voir ni écouter celui qu’ils jugeaient.
La première raison de leur jugement est une erreur de sémantique, notamment chez certains de nos frères africains qui parlaient d’enterrement à la place d’obsèques. Parler d’enterrement aurait été effectivement morbide, à mon avis. Un enterrement, c’est une mise en terre d’un corps mort, et si on se réfère à la définition du dictionnaire le petit Robert, le premier sens de ce mot c’est « action d’enterrer un mort, de lui donner une sépulture (voir ensevelissement, inhumation) ». Un deuxième sens inclut « l’ensemble des cérémonies qui précèdent et accompagnent cet enterrement (voir funérailles). » Alors que le mot obsèques concerne essentiellement toutes les cérémonies et envoie au mot "funérailles" qui est défini comme  « ensemble des cérémonies accomplies pour rendre les honneurs suprêmes au défunt. » Et c’est ce que je dénonce, comme mon père l’a fait il y a 51 ans, car je le considère comme un retour en Égypte. C’est ce que je me propose d’expliquer en deux points pour ceux qui ne sont pas venu m’entourer ce jour-là par réaction à cet intitulé, mais également pour l’affermissement de ce qui nous ont honorés par leur présence. Le premier concernera le point de vue de la religion et le deuxième, le point de vue culturel et plus particulièrement de la culture africaine. Puis je tirerai une conclusion à partir de ces deux approches.
1 Sur le Plan religieux
Il est vrai que je me suis inspiré de ce qu’a institué notre père, Albert MPONDO DIKA, dans la famille et qu’aucun de nous ne s’était appliqué à accomplir jusque là, souvent par ce que je considère comme superstition, car papa est décédé sept ans après avoir célébré ses « obsèques » à l’occasion de ses 70 ans. Mais en réalité ce qui m’a motivé c’est mon engagement actuel pour un retour aux sources de la foi chrétienne, la Thora d’Israël, racine dont les pères de l’Eglise et leurs successeurs nous ont coupés à cause de leur haine des juifs, ce qui a entraîné la "paganisation" de la foi chrétienne.
En effet, le culte des morts que nous connaissons aujourd’hui et qui  est entré dans les mœurs des chrétiens n’existait pas parmi les premiers chrétiens qui étaient tous juifs. L’exemple le plus frappant, est celui d’Ananias qui suite à son mensonge tomba raid mort et la Bible dit à ce sujet : « Les jeunes gens, s’étant levés, l’enveloppèrent, l’emportèrent, et l’ensevelirent. » Actes 5 :6 lorsque sa femme, Saphira arrive un peu après, elle n’est pas au courant que son mari est mort et enterré. Lorsqu’elle réitère le mensonge de son mari, Pierre lui dit : « Voici, ceux qui ont enseveli ton mari sont à la porte, et ils t’emporteront. Au même instant, elle tomba aux pieds de l’apôtre, et expira. Les jeunes gens, étant entrés, la trouvèrent morte ; ils l’emportèrent, et l’ensevelirent auprès de son mari. » Actes 5 :9-10. Ces jeunes gens, à peine avaient-ils terminé d’ensevelir le mari qu’ils devaient emporter également la femme, sans aucune cérémonie, pour l’enterrer aux côtés de celui-ci.
Cela se passe de commentaire. Un autre passage qui illustre bien cet esprit est la réaction de Jésus lui-même, lorsqu’un des disciples l’aborde en lui disant, dans Matthieu 9 :21-23 « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père. Mais Jésus lui répondit : Suis-moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts. Il monta dans la barque, et ses disciples le suivirent. »
Les funérailles tels que nous les connaissons aujourd’hui relèvent des pratiques égyptiennes et gréco-romaines. Dans le judaïsme c’était un sacrilège qu’une dépouille s’approche d’un sanctuaire. Les prêtres ne devaient même pas y toucher ! Dans le judaïsme cela ne se passait pas ainsi et ce n’est pas parce que certains juifs de nos jours ont aussi adopté ces modes que je dirai le contraire. Et même parmi ceux qui ont adopté un cérémoniel proche de ce que nous connaissons, certaines pratiques sont toujours respectées : les dépouilles ne sont pas exposées y compris aux membres de la famille, l’incinération demeure interdite et le corps après être lavé selon un rituel par ceux qui sont appelés à le faire est simplement recouvert par un linceul blanc et mis en terre. Nos funérailles sont ce que pour ma part je considère comme un "retour en Égypte". Ce sont les égyptiens qui pratiquaient ce culte païen de la mort, où les dépouilles étaient maintenues des jours, des semaines voir des mois par des cérémonies interminables et étaient exposées jusqu’au jour de leur enterrement. Quant aux gréco-romains ils ensevelissaient leurs morts dans des temples avec grandes cérémonies et avaient des panthéons pour leurs demi-dieux. Les morts étaient également exposés pendant des jours voir des semaines afin de leur "rendre hommage" avant d’être incinérés ou enterrées en grande pompes pour les gens de la haute société, notamment les patriciens. Pour la plèbe, ils étaient immédiatement incinérés ou, plus tardivement, enterrés le même jour. Pour tous les autres des classes en dessous, les esclaves par exemples, ils étaient jetés dans les fosses communes.
2 Sur le plan culturel
Les enterrements, y compris chez les chrétiens, ont suivi les mêmes rituels que les égyptiens ou le monde gréco-romain. Nous avons fait entrer les morts dans des sanctuaires (de nombreuses personnalités de haut rang sont enterrées dans les églises et les cathédrales), les cérémonies funéraires sont devenues interminables et sources de dépenses souvent inconsidérées, notamment parmi les africains (et pas seulement). Nos morts sont souvent mis dans des « frigos » pendant des semaines, voire des mois, ce qui nécessite un budget non négligeable. Un collègue Nigérian m’informait dernièrement qu’un de nos collègues, un pasteur très connu chez eux, décédé en mai 2019 en Angleterre, vient seulement d’être enterré en février 2020, parce qu’il fallait organiser ses funérailles comme il se doit et « comme il le mérite... » Il fallait en outre attendre que ses enfants éparpillés aux quatre coins de la planète s’accordent sur une date à laquelle ils pouvaient tous être présents au Nigeria afin que tous puissent lui "rendre les honneurs auxquels il avait droit". Et ce n’est pas le seul cas. Dans mon pays d’origine, le Cameroun, les cas sont nombreux de ce genre et ont tendance à se multiplier. Les familles rivalisent "d’honneur", à savoir qui va habiller son cadavre avec le costume le plus cher de la planète et les enchères montent. C’est devenu un business lucratif pour les sociétés qui organisent ces cérémonies.
Ces morts qui sont ainsi richement habillés, mis dans des cercueils qui coûtent des millions  de CFA, auraient parfois aimé avoir ces millions pour se soigner et guérir de leur maladies (bien entendu, ce n’est pas le cas pour tous), ou mieux vivre pendant qu’ils le pouvaient encore, et personne ne le leur aurait donné. Les gens sont prêts à dépenser « des cents et de milles » pour un mort, et zéro centime pour le vivant ! Pour exemple, un neveu qui trouvait coûteux la dépense de transport pour une région proche de la nôtre et Strasbourg, ainsi que pour deux jours d’hôtel pour venir célébrer mes 70 ans, n’a pas hésité à prendre un billet d’avion pour se rendre à un enterrement familial au Cameroun un weekend plus tôt, avec tout ce que cela implique, car on n’y va pas les mains vides !
De plus ces rassemblements donnent lieu à toutes sortes de « kongossa », terme qui signifie commérages en "francamerounais" (voire pire que ça !) Je suis allé dernièrement à un enterrement africain à Paris, que n’ai-je pas entendu dans le cortège qui accompagnait la dépouille au cimetière. Heureusement que les intéressés n’entendent pas ces conversations car ce serait, dans la situation qu’ils vivent, des paroles tueuses si cela parvenait à leurs oreilles.
De plus tous les discours qui sont faits devant le mort ne lui servent plus à rien. C’est de son vivant qu’il aurait aimé entendre sa famille, ses amis, ses frères et sœurs en christ lui dire toutes ces choses. Et ce jour-là, certains qui l’auront traité en ennemi de son vivant trouveront qu’il avait aussi des qualités. Mais il sera trop tard.
En conclusion
En organisant la célébration de mes 70 ans comme mes obsèques, je voulais dire à tous  ceux-là qui sont des adeptes de ce « retour en Égypte », comme Jésus lorsque les juifs lui demande de faire des miracles, il leur répond dans Matthieu 12 :9
« Une génération méchante et adultère demande un miracle ; il ne lui sera donné d’autre miracle que celui du prophète Jonas. »
A tout ceux qui ne sont pas venus, pour quelle que raison que ce soit, je leur dit qu’à mon départ pour la Patrie Céleste, vous n’aurez d’autre obsèques que la célébration  de mon 70ème anniversaire !
De toute ma  famille seulement deux personnes côté maman et deux de mes frères les plus proches sont venus. Cela me permet de savoir sur qui je peux compter. Par contre, si certains de nos amis chrétiens évangéliques ont manqué d’humour au sujet de l’intitulé de ma célébration, quelle ne fut ma joie de voir avec quel humour ma belle-famille, qui était d’ailleurs pratiquement au complet, a pris la chose ! Je leur en suis infiniment reconnaissant !
J’ai demandé à mon épouse et à mes enfants que je sois enterré le même jour que je partirai sans aucune cérémonie, notamment d’aucune église en particulier, ce d’autant que je ne me reconnais plus depuis quelque temps, comme membre d’une église organisation associative, mais membre de la Quéiylah (Assemblée) de Yéshoua... Que l’argent ne soit pas dépensé pour des costumes que je n’aurais pas mis de mon vivant ni pour autre chose que je considère comme inutile pour un mort et que je sois simplement enveloppé tel que je suis venu au monde dans un linceul blanc et mis en terre sans cérémonie, dans un cercueil le plus simple et le moins cher possible. Je refuse ce retour en Égypte qui est entré dans les meurs du christianisme contemporain à tel point que les chrétiens ne s’en rendent même plus compte. S’il y a de l’argent à dépenser, que ce soit pour le vivant, pour l’éducation des orphelins et des pauvres que je soutiens en Afrique et en Haïti plutôt qu’à un mort qui n’a plus rien à attendre que de paraître devant son Seigneur au jour de la rencontre. C’est la seule charge que je laisse à mon épouse et à mes enfants : soutenir ceux dont je subviens à la scolarité, au moins jusqu’à la fin de leurs études. Je sais que mon épouse exécutera ce testament, j’ai pleinement confiance en elle. Je lui laisserai toutes les instructions écrites et détaillées en la matière.
Une petite anecdote : j’ai partagé cela avec un frère pasteur et à ma surprise, sa réaction a été : « tu ne vas tout de même pas te laisser mettre dans n’importe quel cercueil ! »…
Contrairement à ce que beaucoup ont pensé, pour mes 70 ans c’est la vie que nous avons célébré et non la mort. Jésus a dit : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais.» Jean 11 :25-26 et c’est ce que je crois ! J’ai bien choisi le Psaume 90 :10 non pas pour dire ou faire entendre que maintenant je vais mourir. Ceux qui ont pensé cela ne connaissent probablement pas l’origine et les circonstances de ce Psaume. C’est un Psaume de Moïse et il l’a écrit alors qu’il avait déjà dépassé cet âge (70 ans) et avait atteint 80 ans. Il savait donc de quoi il parlait. En outre, quand on sait qu’il a vécu 120 ans, alors on ne peut pas le soupçonner d’intention morbide !
Je terminerai donc avec ce passage d’Isaïe 38 : 17-19 qui reflète quelque peu ma vie et ma pensée, ainsi que ma motivation pour célébrer l’Éternel pour mes 70 ans sur la base du Psaume 90 :10.
« Voici, mes souffrances mêmes sont devenues mon salut ; Tu as pris plaisir à retirer mon âme de la fosse du néant, Car tu as jeté derrière toi tous mes péchés. Ce n’est pas le séjour des morts qui te loue, Ce n’est pas la mort qui te célèbre ; Ceux qui sont descendus dans la fosse n’espèrent plus en ta fidélité. Le vivant, le vivant, c’est celui-là qui te loue, Comme moi aujourd’hui ; Le père fait connaître à ses enfants ta fidélité.»
Que l’Éternel et Père de notre Seigneur et Sauveur de nos vies, Yéshoua HaMashiah, nous fasse grâce ! Qu’HaKadosh Baruch Hou vous bénisse et vous garde, Qu’Il fasse luire Sa face sur vous et vous accorde Sa grâce, Qu’Il tourne Sa face vers vous et vous donne la PAIX !
Daniel MPONDO